La première partie de ce billet concluait que nos valeurs fondamentales s’avéraient la meilleure source de motivation entrepreneuriale.
Vous connaissez sûrement de ces entrepreneurs qui exsudent les valeurs de leur entreprise au quotidien. Il n’y a aucun doute que ces valeurs sont également les leurs. Que remarquez-vous chez ces entrepreneurs? Moi, c’est l’intensité de leur motivation. Ils ont une ‘’drive’’ remarquable. Ce sont généralement les entrepreneurs que j’admire le plus.
Afin de puiser notre motivation entrepreneuriale au sein de nos valeurs, encore faut-il bien les connaître.
Bien connaître ses valeurs
Lorsque je demande aux nouveaux entrepreneurs que j’accompagne quelles sont les valeurs fondamentales qui les animent, la question les prend souvent au dépourvu.
Ils (elles) doivent y réfléchir un bon moment et même alors leurs réponses identifient fréquemment leurs qualités plutôt que leurs valeurs.
La question devient alors, mais c’est quoi au juste une valeur?
Les définitions diffèrent depuis le temps de Platon et même avant. Celle que je vous présente n’est donc pas universelle.
Cette définition nous fait également prendre conscience que nos valeurs sont rattachées à notre culture. C’est donc normal qu’une bonne partie de nos valeurs soient similaires à celles prisées par nos pairs.
Afin de différencier entre une qualité et une valeur, un bon exemple est la ponctualité. Être ponctuel est une qualité et non une valeur morale.
Bien que la ponctualité soit souvent un trait culturel, les gens qui sont fréquemment en retard ne sont certes pas de mauvaises personnes.
La ponctualité influence certains de nos comportements mais pas de manière majeure. Elle n’est pas, non plus, un baromètre qui guide nos actions/réactions au quotidien.
Si la ponctualité n’est pas une valeur, elle est par contre motivée par une ou des valeurs fondamentales.
Cette valeur pourrait être le respect (du temps de l’autre). Ce pourrait également être l’empathie (on nous ressentons la contrariété ou l’impatience de celle/celui qui attend).
Je suis certaine qu’en lisant cet exemple (tout comme moi en l’écrivant) vous avez pensé à des zones grises où qualités et valeurs peuvent s’entremêler.
Ce n’est donc pas évident de savoir quelles sont nos valeurs. C’est un exercice de réflexion qui prend du temps mais qui est essentiel à la motivation entrepreneuriale (et très utile pour votre bien-être également).
Si vous n’y arrivez pas par vous-même, il existe de nombreux tests (dont certains en ligne) pour vous aider à identifier vos valeurs.[1]
Une autre façon est de demander aux gens qui vous côtoient au quotidien les valeurs qu’ils perçoivent en vous. Il ne faut pas se fier entièrement à leurs réponses mais ça donne tout de même un très bon éclairage.
Le manque de motivation entrepreneuriale et l’abandon de vos projets
Suite à des discussions avec des gestionnaires d’incubateurs et des centaines d’individus qui ont entrepris des projets d’entreprise, je peux vous assurer que la cause principale de l’échec entrepreneurial (pour cause d’abandon) est la perte de motivation. La plupart des projets d’entreprises ne naissent pas légalement avant d’être abandonnés.
C’est la raison qui explique l’essoufflement de mon dernier projet entrepreneurial. Sur papier le projet était quasi-parfait. J’avais les partenaires idéaux, un marché lucratif presque prêt à adopter l’innovation que nous nous apprêtions leur proposer et des investisseurs qui montraient déjà un intérêt.
J’ai vite constaté que toutes mes autres tâches étaient plus prioritaires que celles rattachées à ce projet. En tentant de comprendre pourquoi, j’ai réalisé que mes motivations étaient toutes extrinsèques (argent, reconnaissance, apprentissage).
Il y a de nombreuses raisons pour perdre sa motivation. Dans une majorité des cas, le fait qu’elle n’était pas principalement ancrée dans les valeurs fondamentales est la raison dominante et/ou sous-jacente.
La procrastination et la perte de motivation entrepreneuriale
Enfin, le dernier événement auquel j’ai assisté, et qui a déclenché ma réflexion sur la motivation entrepreneuriale, est une présentation sur la procrastination[2].
Il y a une multitude de raisons pour lesquelles nous procrastinons. Il y a également différents types de procrastination.
La plus importante est que notre cerveau accorde plus de valeur à la gratification instantanée qu’à une récompense plus tard dans le temps.
Si nous nous motivons surtout avec la promesse d’une récompense future (telle l’atteinte d’un objectif) nous sommes beaucoup plus susceptibles de nous laisser distraire par une activité qui nous offrira une récompense plus immédiate.
Une autre raison importante pour laquelle nous procrastinons est d’éviter le stress. Lorsque nous devons entreprendre une action qui est source de stress, notre cerveau cherche à se réconforter en faisant plutôt une action famillière ou qui est source de gratification.
Ça explique en partie pourquoi les nouveaux entrepreneurs tardent à présenter leur idée de produit/service à des clients potentiels. La possibilité de se faire dire que notre bébé n’est pas aussi beau qu’on le pensait est définitivement une source de stress.
Vous vous souvenez que plus tôt nous avons vu que d’agir de façon contraire à nos valeurs nous créait un stress?
C’est pourquoi de nombreux entrepreneurs ressentent du stress lorsque vient le temps d’aller vendre leurs produits/services.
Plusieurs voient l’acte de vendre comme s’introduire sans invitation, de convaincre le client à se départir de son argent ou même de forcer son point de vue sur l’autre. Toutes ces actions sont peu respectueuses ce qui va à l’encontre d’une valeur quasi-universelle.
Le résultat des courses est que nous éviterons, aussi longtemps et souvent que possible, d’aller devant les clients pour vendre.
Les types de procrastination
Lorsque nous pensons à procrastination, nous pensons surtout à la personne qui, plutôt que de faire ce qu’il/elle doit faire, ira regarder un film, faire une sieste ou autre activité ludique/reposante.
C’est en effet une forme majeure de procrastination. Il y a par contre une autre forme de procrastination qui est beaucoup plus insidieuse et commune auprès des entrepreneurs.
Il s’agit de la procrastination où on substituera une tâche, voir même une dizaine, à celle qui doit être faite.
L’entrepreneur s’occupera donc de son site web, de peaufiner son produit, de réseauter, de discuter avec ses employés, lires les nouvelles….enfin des mille autres tâches à faire plutôt que de faire celle prioritaire mais dont il/elle n’a pas envie.
La meilleure façon de vaincre ces sources de procrastination sont d’aligner les tâches, que nous évitons de faire parcequ’elles sont sources de stress, avec nos valeurs.
Par exemple, si on approche la vente de son produit/service comme une façon d’aider son client à résoudre un problème (en prenant pour hypothèse que cette vision est alignée avec nos valeurs), plutôt que de le convaincre à changer d’idée, la tâche devient significativement moins stressante et de plus, une des récompenses (réussir à résoudre un problème) est beaucoup plus immédiate.
Conditions gagnantes à la motivation entrepreneuriale
Un esprit sain dans un corps sain
Il y a des conditions gagnantes sous-jacentes à la motivation. Bien se nourrir, dormir suffisamment, faire de l’exercice régulièrement et avoir des relations significatives[3] dans notre vie nous aide à garder notre motivation.
Douleur et récompense
Des études ont aussi démontré que, lorsque la ‘’douleur’’ de ne pas accomplir une tâche est supérieure à celle de l’accomplir, l’humain retrouvera sa motivation et agira. On peut donc se servir de ce fait afin d’incorporer des ‘’douleurs’’ à ne pas accomplir une tâche et/ou s’offrir des ‘’récompenses’’ lorsque la tâche est accomplie. Les termes douleurs et récompenses sont utilisés ici au sens figuré. Je ne suggère à personne de sortir le fouet. Un exemple de douleur serait d’annoncer à des gens que nous admirons (collègue, fournisseur, employé, ami, etc.) que nous accomplirons une certaine tâche pour une période X. La douleur serait de les décevoir si on ne tient pas parole.
Manger l’éléphant un morceau à la fois
Aussi, si une tâche est trop longue à accomplir, la récompense est loin dans le temps. Il suffit alors de trouver une façon de briser la tâche en plusieurs petites tâches qui demandent moins de temps à compléter ou de s’offrir des récompenses (une marche au parc, une tablette de chocolat, etc) lorsqu’on en termine une partie.
Créer la routine
L’automatisme est responsable d’une large part de nos actions. Ces automatismes ne requièrent pratiquement aucune motivation. Bien que la honte qu’on pourrait ressentir à sortir sans vêtements serait une excellente source de motivation, ce n’est généralement pas ce qui nous motive à nous habiller le matin. On le fait par automatisme.
Afin de créer des automatismes, il faut se créer une routine. Donc, en cédulant dans notre horaire, préférablement au même moment de la journée, une activité récurrente que nous devons accomplir, nous favorisons la création d’automatismes. Après un certain temps, notre cerveau ressentira même un certain stress si nous n’accomplissons pas cette tâche au moment prévu. Voilà, nous avons réussi à nous créer une ‘’douleur’’ qui nous motivera à agir.
L’action
La sagesse populaire veut que la motivation engendre l’action. Des études de psychologues américains et européens prouvent que le contraire est également vrai. Plus on agit, plus on est motivé et, oui, plus on agit. Ce qu’il faut retenir c’est que très souvent l’action débute le bal et non la motivation.
Mais comment agir si on n’en a pas envie? En fait, souvent lorsque nous ressentons une panne de motivation, nous ne sommes pas motivé à accomplir une ou certaines tâches spécifiquement. La tactique, déjà mentionnée, de briser notre tâche en de multiples sous-tâches (ou même de considérer des tâches connexes) nous aidera à en trouver une que nous sommes prêt à faire. Même si accomplir ce bout de tâche n’est pas logique ou efficace au départ, simplement le fait de se mettre dans le bain et d’agir nous aidera à repartir la machine. Même accomplir une action qui n’a rien à voir avec la tâche à faire peut suffire à nous donner la motivation nécessaire à amorcer cette tâche dans la mesure où elle nous fait bouger.
Bien qu’il soit tout à fait normal de perdre sa motivation entrepreneuriale occasionnellement, bien connaître les mécanismes de notre motivation et se donner des conditions gagnantes pour l’entretenir nous permet de limiter nos pertes de motivation et de repartir la machine au besoin.
[1] https://scottjeffrey.com/personal-core-values/ ou https://www.mantelligence.com/how-to-define-your-list-of-personal-values/ en sont deux exemples.
[2] Fait par Mathias Durand de www.procrastination.com
[3] C’est pourquoi l’isolement entrepreneurial doit être contré par des activités de réseautage ou des rencontres avec amis, familles et collègues régulières.