Dans le billet précédent, nous avons vu un bref sommaire de la première année d’existence de Mentors Montréal.  Nous avons dressé un portrait des mentors et des entrepreneurs ainsi que du fonctionnement de la communauté.

Dans ce billet, nous nous attarderons sur les leçons apprises à ce jour. Je vous raconterai également l’histoire d’une entrepreneure en devenir et de l’impact que Mentors Montréal a eu dans sa vie. Enfin, des suggestions de pistes à suivre, afin d’améliorer l’offre de services de mentorat pour les entrepreneurs en devenir à Montréal, seront offertes.

 

Mentorat de démarrage - Baker MarketingLeçons apprises

On peut catégoriser les types de questions provenant des entrepreneurs en devenir en trois niveaux.

Informations ponctuelles

Il s’agit de questions du type Pourriez-vous me recommander une personne dans l’organisme ou l’entreprise X ou Dois-je facturer la TPS/TVQ dans telle circonstance?

Ce type de question fait généralement partie d’un processus de recherche d’information déjà amorcé et fait souvent appel au réseau du mentor ou à  une connaissance spécifique d’information.

Elles peuvent être répondues directement.

Le mentor peut aussi utiliser ce type de questions pour aborder l’importance du réseau d’affaires et s’assurer que le mentoré déploie des efforts adéquats pour construire son propre réseau.

Acquisition de connaissances/compétences

Ces questions sont du type Où puis-je trouver du financement? Ou Connaissez-vous un bon comptable, avocat ou autre professionnel?

Ce sont les questions les plus fréquentes. L’entrepreneur fera face presque quotidiennement à ce genre de questionnement tout au long du cycle de vie de son entreprise.

Bien que le réflexe du mentor est souvent de lui donner une réponse directement, il est plus utile pour l’entrepreneur de le guider dans  le processus cognitif qu’il doit développer afin de non seulement trouver réponse seul(e) mais aussi s’assurer qu’il/elle se pose la bonne question.

Un exemple de réponse à la question sur le financement serait :

Quelles démarches as-tu fait pour trouver du financement à date? 

L’objectif ici est de comprendre le processus cognitif déjà enclenché pour répondre à la question

À quoi servira ce financement?

Permet de faire prendre conscience à l’entrepreneur qu’il existe des outils de dette appropriés pour chaque type de besoin. On peut amorcer une réponse à ce stade en lui parlant des différents organismes qui offrent des types précis de financement.

Comment le montant sera-t-il repayé?

Permet la prise de conscience des coûts et autres contraintes liées au financement

Y-a-t-il une autre avenue que le financement pour accomplir ton objectif?

Une fois les coûts et contraintes liés à la dette réalisés, l’entrepreneur sera plus ouvert à explorer d’autres sources de capitaux.

Questions existentielles

Ce type de questions touche les motivations,  préférences et le caractère de l’individu

Elles sont du type Est-ce que j’ai ce qu’il faut pour être entrepreneur?

Il est plus utile ici aussi de guider l’entrepreneur dans sa réflexion plutôt que d’essayer de formuler une réponse. D’abord parce que le mentor n’a pas la réponse à ce type de question. Ensuite, parce que l’entrepreneur doit prendre conscience de nombreux facteurs sous-jacents à sa question afin d’y trouver réponse par lui ou elle-même.

Un exemple de questions posées par le/la mentor pourrait être :

Qu’est-ce que ça veut dire pour toi d’être entrepreneur?

Permet de comprendre les attentes et craintes du mentoré.

Comment vois-tu le quotidien d’un entrepreneur? (si pas déjà répondu à la 1ère question)

Le mentor peut ici partager des tranches de son quotidien qui aideront le mentoré à avoir un portrait plus complet de l’entrepreneuriat.

Qu’est-ce qui t’effraie le plus dans la possibilité d’être entrepreneur? (si pas déjà répondu à la 1ère question)

Souvent, le mentoré a des craintes non fondées. C’est le moment de les dissiper. Lorsque ses craintes ont un fondement, le mentor peut partager les traits de caractères ou astuces qui lui ont été les plus utiles pour surmonter les difficultés mentionnées. Cela permettra à l’entrepreneur de juger s’il/elle possède les attributs nécessaires ou si il/elle veut faire l’effort pour les développer.

Il ne s’agit ici, bien entendu, que d’exemples de réponses. Le contexte du mentoré influencera fortement l’approche prise par le/la mentor. L’idée directrice est, dans la mesure du possible, de s’assurer que le/la mentoré(e) reparte avec non seulement les réponses nécessaires mais surtout les outils cognitifs pour trouver réponses à ses prochaines questions. On n’arrive pas à ce type de résultat avec une seule rencontre mais au cours de multiples échanges.

Une dyade mentorale (relation mentor/mentoré) peut durer une vie. En moyenne, par contre, le/la mentore aura transmis une majeure partie de son savoir être entrepreneurial en 18-24 mois de rencontres mensuelles.

 

Mentorat de démarrage - Baker MarketingL’histoire de Marie, entrepreneure en devenir

Les leçons apprises donnent un aperçu de ce qu’un entrepreneur en devenir peut s’attendre à obtenir de la part d’un/e mentor(e).  En concret, un mentor peut avoir un impact très significatif non seulement sur l’évolution professionnelle mais également personnelle de son/sa mentoré(e).

Je vous offre l’histoire véridique de Marie (nom fictif) qui s’est présentée à une rencontre de Mentors Montréal au printemps dernier.

Jeune professionnelle qui travaillait depuis 4 ans dans le secteur institutionnel de la santé, Marie n’arrivait pas à exercer sa profession en fonction de ses valeurs. Elle a donc songé à démarrer sa propre entreprise.

Sa famille et ses amis l’en dissuadaient. Professeurs, fonctionnaires, employés de longue date, aucun d’entre eux n’avait été exposé à l’entrepreneuriat.  Ils l’incitaient fortement à conserver son emploi bien rémunéré et assuré à l’hôpital. Marie, qui ne connaissait rien à l’entrepreneuriat, n’avait où se tourner.  Tout ce qu’elle savait est qu’elle était malheureuse.

Son copain, qui désespérait de voir Marie décrépir émotionnellement au quotidien, lui suggéra d’assister à une rencontre de Mentors Montréal, afin de mieux comprendre ce qu’était l’entrepreneuriat.

Lors d’une première soirée à Mentors Montréal, Marie a pu échanger avec une demi-douzaine de mentors. Elle y a trouvé des oreilles attentives, de l’empathie, des suggestions et de nombreuses informations sur des ressources pertinentes.  Elle a pu, entre autre, repérer un organisme montréalais qui soutenait les entrepreneurs dans son secteur d’activité.

Quelques mois plus tard, lors d’une rencontre subséquente de Mentors Montréal, Marie accompagnée de son copain et resplendissante de bonheur, m’a prise par la main et m’a dit, je dois vous parler.

Les yeux brillants Marie a raconté son parcours des derniers mois. Suite aux suggestions de mentors rencontrés, Marie s’était intégrée dans la communauté entrepreneuriale de son secteur d’activité. Elle a offert ses services bénévolement à trois entreprises en démarrage, qui l’intéressait, pendant qu’elle continuait son travail à l’hôpital.

Après quelques semaines,  convaincue qu’elle serait entrepreneure, mais qu’elle avait encore beaucoup à apprendre, Marie a intégré à titre d’employé à temps plein une des entreprises en démarrage où elle était bénévole.  Son objectif était d’y travailler 9-12 mois tout en démarrant sa propre entreprise.

Marie m’a confié qu’avant sa rencontre avec les mentors de Mentors Montréal, elle se voyait prise dans un emploi qui l’obligeait à agir à l’encontre de ses valeurs pour le restant de ses jours ou à refaire une autre formation. La découverte de l’écosystème entrepreneurial montréalais lui a redonné espoir qu’elle pouvait pratiquer sa profession selon ses valeurs et à sa façon.

Son copain, qui assistait à l’échange et souriait sans cesse, a dit qu’il n’avait jamais vu Marie si heureuse. Il la voyait s’épanouir à vu d’œil depuis les dernières semaines.

J’ai reçu un long message de Marie il y a quelques semaines.  Elle et son copain sont maintenant mariés. Ils ont quitté Montréal pour le Qatar, où  son conjoint a obtenu un poste qu’il convoitait.  Elle est à mettre en place son entreprise.  Elle m’a confié que, sans son élan entrepreneurial, elle n’aurait jamais accepté de suivre son conjoint.  Elle est maintenant emballée, bien qu’un peu effrayée, à l’idée de démarrer son nouveau projet tout en apprivoisant la culture entrepreneuriale locale.

Marie n’est qu’une des douzaines d’entrepreneurs en devenir dont le parcours professionnel, et parfois personnel,  a été modifié suite à ses rencontres avec des mentors.

Ce qui est très valorisant à titre de mentor, œuvrant auprès d’entrepreneurs en devenir, est la satisfaction de débloquer ce potentiel entrepreneurial chez certains individus et de les voir s’épanouir  à travers leurs projets.

 

Mentorat de démarrage - Baker MarketingPistes d’amélioration

Il manque en fait bien peu d’éléments pour rendre le mentorat d’affaires plus accessible aux entrepreneurs montréalais en devenir[1].

Montréal est doté d’un superbe écosystème entrepreneurial. Qu’il s’agisse de communautés meetups dédiés aux entrepreneurs, d’incubateurs, de labs, de hackathons, d’organismes d’aide aux entrepreneurs, d’accélérateurs (sectoriels ou universitaires) ou d’organismes de capitaux de risques tous les services possibles sont offerts aux entrepreneurs.

Le mentorat d’affaires est souvent un des services de ces organismes. Chacun d’entre eux a sa propre base de mentors. Si bien qu’un entrepreneur en devenir doit dans un premier temps repérer l’organisme qui offre l’accès à un mentor, satisfaire ses critères d’admissibilité (ce qui est impossible pour ceux en phase de réflexion) et trouver le ou la mentor(e) avec qui il/elle se sent confortable.  Un parcours qui en décourage plusieurs.

Un répertoire centralisé de mentors

Un répertoire centralisé de mentors, commun aux différents organismes d’aide aux entrepreneurs,  faciliterait l’accès au service de mentorat. Cela tant pour les organismes d’aide que pour les entrepreneurs.

Multiplier les points d’accès

Les organismes d’aide pourraient, par exemple, offrir un local où un mentor résidant (plusieurs mentors en rotation) accueillerait les entrepreneurs avec ou sans rendez-vous. Les organismes pourraient se relayer de façon à  partager les coûts liés à l’utilisation du local et assurer un accès permanent.

Publiciser les services de mentorat

La plupart des organismes d’aide, dont la mission première n’est pas le mentorat, publicisent très peu leur offre de service mentorale, qui est généralement réservée à leurs clients.

Si tous les organismes d’aide rendaient visible sur leur site web ou leur autres plateformes de médias sociaux la possibilité de rencontrer un mentor d’affaires (non seulement pour leurs clients, ce qu’ils font déjà), cela aiderait grandement à accroître l’accessibilité.

Retirer les contraintes

L’accès aux services de mentorat pour les individus en réflexion ou au début de leur démarrage devrait être libre de toute contrainte et lié à aucun critère d’admissibilité. Leur avenir étant souvent incertain et leur profil très varié, toute contrainte agirait à titre de frein.

Idéalement les mentors ne seraient pas des conseillers de l’organisme hôte mais bien des mentors bénévoles indépendants à qui on offrirait un espace gratuit où rencontrer des entrepreneurs en devenir pour quelques heures.

Cela n’empêcherait en rien aux organismes d’utiliser la base de mentors pour leur propre programme en parallèle tout en imposant les contraintes qui leur permettraient de répondre à leurs objectifs respectifs.

Virtualiser l’accès

Une application,  rattachée au répertoire central des mentors, pourrait également permettre des rencontres virtuelles avec des mentors. Mentors Montréal explore, depuis quelques mois, diverses applications qui permettraient ces rencontres virtuelles.

Bien  que la clientèle visée par Mentors Montréal ne soit pas complètement monétisable (une partie n’est pas inclus dans la définition gouvernementale des usagers des organismes d’aide aux entrepreneurs), pour les organismes d’aide aux entrepreneurs elle peut par contre s’intégrer dans leur modèle d’affaires et servir de pépinière, de laboratoire et de lieu d’échange neutre avec les autres organismes à vocation similaires.

Cette première année d’opération de Mentors Montréal nous aura donc permis d’atteindre les objectifs fixés. Soit de desservir les besoins en mentorat d’affaires d’entrepreneur en devenir et de servir de laboratoire et de lieu d’échange neutre aux organismes montréalais d’aide aux entrepreneurs. Elle aura aussi permis à certains organismes du milieu, de mieux comprendre les besoins de cette clientèle en amont de l’entrepreneuriat.

Mentors Montréal poursuivra dans cette même lancée au cours de sa seconde année et travaillera, avec ses partenaires, à accroître l’accessibilité et améliorer l’offre de services de mentorats d’affaires aux entrepreneurs montréalais en devenir.

[1] Le mentorat d’affaires est déjà très accessible à Montréal aux entrepreneurs qui sont bien avancés dans leur démarrage ou en opération.