Lors de précédents billets nous avons vu que l’innovation, qui nait de la créativité, requiert un travail acharné. Nous avons également regardé les éléments qui favorisent la génération de bonnes idées.

Qu’en est-il des facteurs qui inhibent la créativité et, de ce fait, l’innovation? Il est tout aussi important de les identifier afin de les éviter ou, du moins, de se défendre pour minimiser leurs impacts.

La conformité

Vous vous souvenez de cette expérience où les participants étaient des enfants, des étudiants en gestion et des avocats? Ceux-ci devaient construire une tour avec une guimauve et des spaghettis en moins de 8 minutes. Le facteur sous-jacent qui explique les résultats obtenus (les enfants ont battu les étudiants à plate couture, qui ont eux-mêmes mieux fait que les avocats) est le niveau de conformité sociale auquel doivent se soumettre les participants. Plus le niveau est élevé, plus l’individu, lorsqu’il se retrouve en situation sociale, doit faire d’efforts, via l’observation et la discussion afin de saisir et composer avec les règles non dites. Il doit également se positionner dans la hiérarchie du groupe et préserver son image sociale.

Dans les cas où l’individu baigne au quotidien dans un environnement où les règles explicites et implicites abondent, cela en vient qu’à modeler sa façon de penser également. Même si vous n’êtes pas avocat, en tant qu’adulte vivant en société, vous devez vous conformer aux normes sociales pour survivre et évoluer. Cela implique-t-il que nous devons bannir la conformité afin d’être créatif? Bien sûr que non. Comme vous, je préfère sérieusement que les gens autour de moi se conforment au code de la route et soient ponctuels lorsque je les rencontre.

Alors comment maximiser notre créativité? Dans un premier temps il faut prendre conscience des règles non dites que nous suivons. Il faut ensuite en faire l’abstraction (ceci demande un gros effort) lorsque nous sollicitons notre créativité.

Une astuce pour y parvenir est de se mettre physiquement dans une situation inhabituelle. Soit en choisissant un lieu de travail inconnu, en adoptant une position physique différente, en utilisant un outil de travail différent et en variant les stimuli sensoriels (tactiles, olfactifs, visuels, sonores).
Une autre façon, si vous y parvenez, est de se mettre dans la peau d’un personnage qui diffère significativement de vous et d’adresser le problème selon sa perspective. C’est le temps de pratiquer vos talents d’acteurs.

La confiance et la créativité

Selon les mots de Kevin Ashton, auteur de How to Fly a Horse,

La confiance en soi est la croyance en nous-mêmes
La certitude est la croyance en nos idées
La confiance en soi est un pont alors que la certitude est une barricade.

La certitude nous empêche d’explorer de nouvelles idées tout autant que le manque de confiance en soi.
Nous sommes parfois tellement convaincus de nos idées que nous oublions de nous assurer qu’elles sont fondées sur des faits empiriques plutôt que sur des impressions, des rumeurs ou de fausses informations. Notre certitude nous ferme alors à de nouvelles idées.

Une astuce pour éviter ce piège est d’abord d’identifier les hypothèses sur lesquelles nos idées sont basées. Ensuite, demander à une autre personne (pour éviter votre propre biais perceptif) de conduire une courte expérience auprès de tierces parties qui vous permettra de confirmer (ou d’infirmer) votre hypothèse. Souvent, l’expérience peut se limiter à poser une ou deux questions à quelques personnes si leurs réponses sont polarisées.

Lorsqu’on veut valider une hypothèse, dans le cadre d’un processus créatif (et non pas scientifique), nul besoin de preuves statistiquement significatives. On ne recherche ici qu’une direction.

Le jugement des autres

Personnellement, le jugement des autres a longtemps été le plus grand frein à ma créativité en milieu professionnel. Ce jusqu’à ce que j’arrive à distinguer entre la critique nocive, celle basée sur tout sauf des faits et données empiriques, et la critique utile. Non pas celle qui offre une solution mais celle appuyée sur des faits et données empiriques.

Afin de maximiser votre créativité, apprenez à faire la sourde oreille à la critique nocive, ou encore mieux, à vous tenir loin des gens qui les émettent en grand nombre.

N’oubliez pas, par contre, de garder l’oreille et l’esprit ouverts pour les critiques utiles qui pourront améliorer la qualité de vos idées.
Corollairement, apprenez à éviter d’émettre des critiques basées sur des opinions et non des faits empiriques.

La familiarité et la routine

Assassins de la créativité - Baker MarketingLorsque nous regardons une image, une scène, une problématique à répétition, nous n’arrivons plus à en voir certains détails. Surtout si ces détails ne correspondent pas aux schèmes de référence que nous entretenons.
How to Fly a Horse raconte l’histoire de Robin Warren, un chercheur australien, qui a découvert la bactérie h. pylori, responsable d’ulcères et autres problèmes gastro-intestinaux, en 1984. Cette bactérie, qui réside entre autre dans l’estomac, avait été sous l’œil de milliers de chercheurs au cours de décennies précédentes. La croyance, jusqu’alors, que l’estomac étant un environnement stérile, aucun des autres chercheurs n’a remarqué cette bactérie, en forme de croissant de lune, pourtant bien évidente sous le microscope.
Cette découverte a rapporté un prix Nobel à Warren et a permis de réduire la souffrance de dizaines de milliers de gens à ce jour.
Regarder une image, une scène ou une problématique familière sous un jour nouveau en mettant nos croyances de côté n’est pas une mince tâche.

Une astuce pour vous aider à accomplir ceci est de demander à des personnes, très différentes de vous, de vous décrire ce qu’ils voient lorsqu’ils regardent une image, scène ou problématique qui vous est familière. N’hésitez pas à leur poser des questions sur leur processus d’observation. Répétez l’expérience de nombreuses fois. Regarder ensuite une nouvelle image, scène ou problématique différente, qui vous est familière, peu de temps après votre expérience. Vous augmenterez les probabilités de voir de nouveaux éléments apparaître.

Le prochain et dernier billet de cette série se penchera sur les environnements d’entreprises qui tuent la créativité et limitent l’innovation ainsi que les actions que peuvent poser les gestionnaires pour les atténuer.